Les prédicteurs de la récidive chez les délinquants sexuels:
une méta-analyse

1996-04

Par

R. Karl Hanson & Monique T. Bussière

Les opinions exprimées n'engagent que les auteurs et ne sont pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada.

Ce rapport est disponible en anglais. This report is available in English under the title: Predictors of Sexual Offender Recidivism: A Meta-Analysis

Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
No au catalogue JS4-1/1996-4F
ISBN: 0-662-81365-0

Table des matières

Avant-propos

Résumé

Article

Méthode

Échantillon

Procédure de codage

Indice d'exactitude prédictive

Agrégation des résultats

Généralisabilité des résultats

Résultats

Prédicteurs de la récidive sexuelle

Prédicteurs de la récidive non sexuelle avec violence

Prédicteurs de la récidive en général

Échelles de risque combinées

Discussion

Note des auteurs

Les tableaux - voyez le cadre au sommet

Bibliographie - voyez le cadre au sommet

Avant-propos

L'analyse ici présentée a permis de tracer un tableau quantitatif des facteurs de risque de la récidive chez les délinquants sexuels. En se basant sur 61 ensembles de données, il a été possible d'établir l'existence d'une relation significative entre le tiers environ des 165 variables et la récidive (p < 0,05), la corrélation étant d'au moins 0,10. Les mesures de la déviance sexuelle (par ex., préférences sexuelles déviantes, infractions sexuelles antérieures) et, à un moindre degré, les facteurs criminologiques généraux (par ex., âge, nombre total d'infractions antérieures) se sont révélés les meilleurs prédicteurs de la récidive de nature sexuelle. Les prédicteurs de la récidive non sexuelle et avec violence et de la récidive en général étaient semblables aux prédicteurs de la récidive relevés chez les criminels n'ayant pas commis d'infractions d'ordre sexuel. Toutefois, aucun facteur n'était suffisamment lié à la récidive pour que son usage exclusif soit justifié. Il faut poursuivre les recherches pour cerner des facteurs de risque dynamiques, c'est-à-dire susceptibles de changer.

Résumé

La violence sexuelle constitue un grave problème social. Vu les taux élevés de victimisation chez les femmes et les enfants (Johnson et Sacco, 1995; Peters et coll., 1986), il semble bien que le nombre de délinquants sexuels soit considérable. Cela soulève d'importantes questions d'ordre public quant à la manière de gérer ces délinquants dans les systèmes de justice pénale et de santé mentale. Les décisions concernant la gestion des délinquants sont souvent basées sur des évaluations de la dangerosité.

Il est difficile d'estimer le taux de récidive global des délinquants sexuels étant donné que de nombreuses infractions ne sont pas décelées. Toutefois, une comparaison des taux de récidive des différentes catégories de délinquants peut fournir une information importante au sujet du risque de récidive relatif (Furby, Weinrott et Blackshaw, 1989). La principale question explorée dans le présent rapport est la suivante : quels facteurs augmentent ou diminuent le risque de récidive chez certains délinquants sexuels comparativement à d'autres délinquants sexuels? Pour répondre à cette question, nous nous sommes basés sur un résumé quantitatif d'un grand nombre d'études de suivi.

Pour être incluse dans notre analyse, une étude devait présenter les caractéristiques suivantes : a) porter sur un groupe de délinquants sexuels; b) comporter une période de suivi; c) établir une relation entre une caractéristique initiale et la récidive subséquente; d) indiquer la récidive sexuelle, la récidive non sexuelle avec violence ou toute récidive; e) fournir suffisamment de données statistiques. Les études ont été recensées au moyen d'une recherche dans des bases de données informatisées, d'un dépouillement des bibliographies accompagnant les articles disponibles et de communications avec les chercheurs reconnus oeuvrant dans ce domaine.

Au 31 décembre 1995, date limite que nous avions choisie, notre recherche nous avait permis de recenser 87 documents utilisables (articles publiés, rapports officiels, évaluations de programmes inédites, ensembles de données brutes, etc.). Ces 87 documents portaient sur 61 ensembles de données provenant de six pays. La moitié des études étaient postérieures à 1989. La taille médiane des échantillons était de 198 sujets (les échantillons comprenaient en moyenne 475 sujets, la gamme allant de 12 à 4 428), tandis que la période médiane de suivi était de quatre ans. Notre recherche a donc porté au total sur 28 972 délinquants sexuels.

Deux évaluateurs ont codé chaque étude au moyen d'une liste type de catégories et selon des règles précises. Nous avons examiné toutes les variables prédictives sauf les résultats du traitement des délinquants sexuels, qui nous sont apparus comme un sujet suffisamment important pour justifier des analyses distinctes (voir Hall, 1995). Autre restriction, chaque variable prédictive devait avoir été examinée dans au moins trois études indépendantes. Dans l'ensemble, l'analyse a porté sur 69 prédicteurs éventuels de la récidive sexuelle, 38 prédicteurs de la récidive non sexuelle avec violence et 58 prédicteurs de la récidive en général (toute récidive).

Les résultats de chaque étude ont été transformés de façon à calculer un indice commun d'exactitude prédictive : r. Cette mesure peut varier entre -1 et +1. Lorsque r égale zéro, il n'y a pas de relation entre les variables. Lorsque r est égal à -1 ou +1, cela signifie que la variable présente une efficacité prédictive parfaite. Une valeur positive de r signifie que les délinquants qui présentent la caractéristique en question sont plus susceptibles de récidiver, tandis qu'une valeur négative signifie que la récidive est moins probable. En général, on peut définir la valeur de r comme étant la différence en pourcentage entre les taux de récidive des délinquants qui présentent une caractéristique donnée et de ceux qui ne la présentent pas (Farrington et Loeber, 1989). Les valeurs de r ont été rajustées pour faire entrer en ligne de compte les différences dans les taux de base de la récidive, et l'on a ensuite déterminé la moyenne pour toutes les études.

Pour la période de suivi moyenne de quatre à cinq ans, le taux de récidive sexuelle global était de 13,4 % (n = 23 393), le taux de récidive non sexuelle avec violence, de 12,2 % (n = 7 155) et le taux pour toute récidive, de 36,3 % (n = 19 374). Les violeurs étaient beaucoup plus susceptibles de récidiver en commettant une infraction non sexuelle avec violence (22,1 %) que les agresseurs d'enfants (9,9 %). Il faut toutefois prendre ces moyennes sous toute réserve étant donné qu'elles sont basées sur des études diverses et que de nombreuses infractions d'ordre sexuel ne sont pas décelées.

Les plus importants prédicteurs de la récidive sexuelle étaient les caractéristiques liées à la déviance sexuelle et, à un moindre degré, les variables criminologiques générales. Ces prédicteurs incluaient les évaluations phallométriques de préférence sexuelle pour les enfants (r = 0,32), l'existence d'infractions sexuelles antérieures (0,19), l'âge (-0,13), la perpétration des premières infractions sexuelles à un âge précoce (0,12), toute infraction antérieure (0,13) et le fait de ne jamais avoir été marié (0,11). Le risque de récidive était plus faible pour les délinquants qui avaient des liens de parenté avec leurs victimes ou qui connaissaient celles-ci (membres de la famille < connaissances < inconnus). Les délinquants qui n'avaient pas suivi un programme de traitement ou qui l'avaient abandonné présentaient un risque plus grand que ceux qui avaient achevé un tel programme. Bien qu'ils aient été basés sur un nombre restreint d'études, d'autres prédicteurs étaient intéressants : une relation négative avec la mère, des troubles de la personnalité et la cote obtenue sur l'échelle masculinité-féminité du MMPI.

Les variables prédictives de la récidive non sexuelle chez les délinquants sexuels étaient les mêmes que celles qui permettent de prévoir la récidive chez les autres délinquants (Andrews et Bonta, 1994; Champion, 1994). Tant les récidivistes non sexuels violents que les récidivistes en général tendaient à être jeunes et célibataires, à manifester une personnalité antisociale ou des troubles psychotiques, à appartenir à un groupe racial minoritaire et à avoir des antécédents d'infractions avec et sans violence. Les violeurs commettaient plus souvent de nouvelles infractions non sexuelles que les agresseurs d'enfants. Les auteurs d'incestes risquaient moins de commettre de nouvelles infractions non sexuelles que les autres délinquants sexuels.

Grâce à l'efficacité statistique de la méta-analyse, il a aussi été possible de cerner des facteurs non liés à la récidive. Il n'y avait par exemple pas de relation entre la récidive sexuelle et le fait d'avoir été victime d'exploitation sexuelle dans l'enfance, la toxicomanie et des problèmes psychologiques généraux (comme l'angoisse, la dépression et le manque d'estime de soi). Il n'y avait pas non plus de relation entre les problèmes psychologiques et la récidive non sexuelle. Une comparaison des résultats de la méta-analyse à ceux d'autres recherches (McKibben, Proulx et Lusignan, 1994) a révélé que l'état de détresse dans lequel se trouvent les délinquants sexuels ne constitue pas une variable prédictive de la récidive, mais que les délinquants sexuels semblent réagir à cette détresse de façon déviante.

Même si l'on a constaté l'existence de relations entre de nombreux facteurs et la récidive, ces relations étaient plutôt modestes (0,10 à 0,20). Même les prédicteurs les plus puissants, comme les préférences sexuelles déviantes ou des infractions sexuelles antérieures, n'étaient pas assez fiables pour que leur utilisation exclusive soit justifiée. Logiquement, la question qu'il fallait ensuite se poser était celle de savoir dans quelle mesure l'on peut prévoir la récidive à partir de combinaisons de facteurs de risque. En général, les évaluations cliniques ont produit des résultats médiocres (0,06 à 0,14) par rapport aux méthodes statistiques d'évaluation du risque (0,42 à 0,46). Toutefois, il ne faudrait pas surestimer l'exactitude prédictive de ces dernières, étant donné qu'elles n'ont pas été appliquées à d'autres échantillons.

En guise de conclusion, nous suggérons des manières d'améliorer les évaluations du risque chez les délinquants sexuels. Presque tous les facteurs de risque étaient basés sur les antécédents (par ex., infractions antérieures) ou étaient extrêmement stables (comme les troubles de la personnalité); il faudrait donc essayer de trouver des facteurs de risque dynamiques. Ces facteurs pourraient être utilisés pour évaluer les changements attribuables au traitement et le moment auquel les délinquants risquent de récidiver. Les recherches destinées à recenser des facteurs de risque dynamiques pourraient exiger des méthodes d'évaluation améliorées et des plans d'étude différents de ceux que nous avons examinés dans ce rapport.

 

Les prédicteurs de la récidive chez les délinquants sexuels :
une méta-analyse

La violence sexuelle est un phénomène courant (Johnson et Sacco, 1995; Koss, 1993; Peters, Wyatt et Finkelhor, 1986). D'après des études sur la victimisation, environ un homme sur 10 et une femme sur cinq disent avoir été victimes d'exploitation sexuelle dans l'enfance (Peters et coll., 1986). Entre 10 % et 20 % des femmes déclarent avoir été victimes d'agression sexuelle (selon les définitions du Code criminel) à l'âge adulte (Johnson et Sacco, 1995; Koss, 1993). Ces études donnent à penser que, puisque le nombre de victimes est élevé, le nombre de délinquants sexuels doit l'être également. Malgré l'absence d'études épidémiologiques soigneusement conçues, les études menées sur des échantillons de commodité (par ex., étudiants d'université, personnel hospitalier) révèlent ordinairement que de 10 % à 25 % des hommes reconnaissent avoir agressé sexuellement des femmes ou des enfants (Hanson et Scott, 1995; Lisak et Roth, 1988; Templeman et Stinnett, 1991).

L'existence d'un nombre considérable de délinquants sexuels soulève d'importantes questions d'ordre public quant à la manière de gérer ces délinquants dans les systèmes de justice pénale et de santé mentale. Certaines administrations ont choisi le maintien en incarcération préventif, pour une période indéterminée, des délinquants sexuels les plus dangereux (Anderson et Masters, 1992). Pour la plupart des délinquants sexuels, toutefois, on a recours à une combinaison d'incarcération, de surveillance dans la collectivité et de traitement spécialisé (Knopp, Freeman-Longo et Stevenson, 1992; The Management, 1990). Les décisions juridiques/d'ordre public concernant la gestion des délinquants sont souvent basées sur le témoignage de spécialistes de la santé mentale, dont les évaluations cliniques de la dangerosité constituent un aspect important.

Pour déterminer la dangerosité des délinquants sexuels, il faut connaître leur taux de récidive global et les facteurs qui augmentent ou diminuent le risque de récidive chez un délinquant sexuel donné. Or, il est difficile d'établir un taux de récidive pour l'ensemble des délinquants sexuels, étant donné que le taux varie selon la définition de la récidive qu'on utilise. Il est plus faible si l'on emploie une définition restreinte (par ex., nouvelle perpétration de la même infraction) plutôt qu'une définition large (par ex., toute nouvelle infraction). Le taux de récidive augmente par ailleurs en fonction de la durée de la période de suivi. Les affirmations au sujet du taux de récidive sont donc dépourvues de sens si l'on ne précise pas la définition et la période de suivi employées.

Mais il est difficile d'estimer le taux de récidive global surtout parce qu'une grande partie des infractions sexuelles ne sont pas signalées. Il suffit de comparer les statistiques de la police et les enquêtes sur la victimisation pour constater que la plupart des infractions d'ordre sexuel, surtout les infractions à l'endroit d'enfants, ne sont jamais signalées aux autorités (Bonta et Hanson, 1994). On ne peut guère s'attendre, d'autre part, à ce que les délinquants eux-mêmes fassent état de crimes sexuels qui n'ont pas été signalés. Par conséquent, toutes les estimations empiriques des taux de récidive des délinquants sexuels doivent être considérées comme des sous-estimations.

L'information au sujet du risque relatif chez les délinquants sexuels (par opposition au risque absolu) provient surtout d'enquêtes empiriques. En évaluant les délinquants sexuels par rapport à certaines caractéristiques et en notant ensuite leur récidive subséquente, on peut cerner les facteurs qui distinguent les récidivistes des non-récidivistes. Les cliniciens qui s'intéressent à l'évaluation empirique du risque peuvent ensuite utiliser ces facteurs pour estimer le risque relatif de récidive chez les délinquants du même genre.

Les chercheurs en criminologie ont fait une distinction importante entre les facteurs de risque statiques et les facteurs de risque dynamiques (Andrews et Bonta, 1994; Bonta, 1996; Jones, 1996). Les premiers, comme l'âge et les antécédents criminels, permettent de prévoir la récidive, mais échappent à toute influence extérieure. Par contre, les seconds (ou « besoins criminogènes »), comme les attitudes criminelles et les fréquentations de criminels, peuvent être modifiés. Une caractéristique importante des facteurs de risque dynamiques est que leur baisse est associée à une baisse de la récidive (Bonta, 1996). Les facteurs statiques sont utiles pour évaluer le niveau de risque global d'un délinquant. Toutefois, il faut connaître les facteurs dynamiques pour cerner les domaines qui se prêtent à une intervention, déterminer l'évolution du niveau de risque (par ex., les avantages procurés par le traitement) et prévoir le moment auquel de nouvelles infractions risquent d'être perpétrées.

Les études antérieures de la récidive chez les délinquants sexuels n'ont porté que sur un éventail restreint de facteurs de risque surtout statiques (Furby, Weinrott et Blackshaw, 1989; Hall, 1990; Quinsey, Lalumière, Rice et Harris, 1995). L'étude de Hall (1990) a consisté principalement en un recensement des délinquants sexuels, bien que l'auteur ait analysé un petit nombre d'études sur la récidive. Il a conclu qu'il existait des différences « relativement faibles » quant aux taux de récidive entre les divers types de délinquants. Furby et ses collaborateurs (1989) ont également consacré une petite part de leur étude aux prédicteurs du risque de récidive. Ils ont affirmé que [traduction] « les meilleures sources de données pour les comparaisons entre les différents types de délinquants sont de loin les études qui portent sur plusieurs catégories de délinquants et dont les résultats sont présentés séparément pour chaque catégorie » (p. 26). Malheureusement, ces auteurs n'ont pu recenser que cinq études de ce genre; celles-ci leur ont toutefois permis de conclure provisoirement que les agresseurs d'enfants ont un taux de récidive inférieur à celui des violeurs ou des exhibitionnistes et que les hommes qui agressent des garçons présentent peut-être plus de risque que ceux qui s'en prennent aux filles.

Quinsey, Lalumière et coll. (1995) ont réussi à trouver des études supplémentaires comparant les taux de récidive de différentes catégories de délinquants sexuels (voir également Quinsey, 1984, 1986). Contrairement à Furby et ses collaborateurs (1989), ils ont conclu que les violeurs et les agresseurs d'enfants avaient des taux de récidive similaires. Ils ont toutefois ajouté que plusieurs caractéristiques étaient liées au risque de récidive. Ils ont constaté que les agresseurs d'enfants qui s'en prenaient à des garçons présentaient un risque plus élevé que ceux qui s'en prenaient à des filles avec lesquelles ils n'avaient pas de lien de parenté, et que ce dernier groupe présentait un risque plus élevé que le groupe des auteurs d'incestes. Tant pour les violeurs que pour les agresseurs d'enfants, ceux qui avaient déjà commis des infractions sexuelles ou non sexuelles récidivaient plus fréquemment que ceux qui n'avaient pas d'antécédents criminels. Les auteurs ont également conclu qu'il existait une relation entre les intérêts sexuels déviants évalués en laboratoire et la récidive. Il s'agit là d'une constatation importante puisqu'il s'agit du seul facteur de risque cerné qui pourrait être changé (facteur dynamique).

Quinsey, Lalumière et coll. (1995) ont produit l'analyse récente la plus approfondie, mais celle-ci n'a porté que sur un nombre restreint de variables et un nombre modeste d'études (10 à 15 ensembles de données). En outre, elle ne nous renseigne guère sur l'importance relative des divers facteurs de risque. Ces limitations n'ont en fait rien d'étonnant dans un travail purement descriptif. Il est difficile de résumer toutes les constatations d'un nombre considérable d'études sans se rapporter aux nombres.

Les résumés quantitatifs sont devenus une forme standard d'analyse de recherches (Rosenthal, 1995). On emploie souvent pour ces travaux le terme de « méta-analyse » parce qu'il s'agit d'analyses statistiques de statistiques produites par d'autres chercheurs (voir, par ex., Hedges et Olkin, 1985; Hunter et Schmidt, 1990; Rosenthal, 1991). La méta-analyse est un moyen utile d'analyser les études sur la récidive chez les délinquants sexuels pour plusieurs raisons. Comme nous l'avons déjà laissé entendre, il est facile, dans une méta-analyse, de combiner et d'organiser les résultats d'études nombreuses. Notre propre travail nous a permis de relever plus de 1 200 constatations traduisant l'existence d'une relation entre diverses caractéristiques des délinquants sexuels et la récidive; le volume même de cette information fait échec à toute tentative d'effectuer une analyse descriptive.

Une autre caractéristique importante des méta-analyses est leur efficacité statistique, qui permet de détecter des effets de faible ou moyenne importance. Il suffit de combiner les résultats de différentes études pour obtenir des échantillons dont la taille (et par conséquent l'efficacité statistique) est beaucoup plus grande que celle des échantillons des différentes études. Les techniques de la méta-analyse permettent également des estimations numériques des effets, de sorte qu'il est plus facile de comparer les divers indicateurs de risque par rapport à leur importance relative. De plus, en calculant la variance des constatations de toutes les études, on peut déterminer la mesure dans laquelle les facteurs de risque s'appliquent aux différents contextes et échantillons.

Une des grandes questions qui se posent en ce qui concerne la méta-analyse est de savoir si l'on peut combiner des études dont les caractéristiques diffèrent. Est-il raisonnable, par exemple, de combiner les constatations d'une étude européenne effectuée dans les années 1940 et celles d'une étude récente réalisée en Californie? Les études sur la récidive des délinquants sexuels varient considérablement quant à leur définition de la récidive, leur période de suivi, la population étudiée et l'endroit où elles ont été menées. Bien que ces facteurs puissent empêcher de faire des généralisations, un avantage de l'analyse quantitative est qu'il possible de déterminer la signification de ces différences. Il est aussi possible de choisir des études et des méthodes de méta-analayse qui maximisent la comparabilité des résultats de recherche.

Pour accroître la comparabilité, nous avons inclus dans notre méta-analyse des études qui sont toutes basées sur le même plan de recherche. On évalue un groupe de délinquants sexuels par rapport à certaines caractéristiques avant qu'ils n'aient l'occasion de récidiver. Il s'agit ensuite d'établir une corrélation entre ces caractéristiques initiales et la récidive subséquente constatée au cours d'une période de suivi. Les études rétrospectives portant sur les antécédents criminels à un moment donné ont été exclues. Par conséquent, nous nous sommes limités aux études qui constituent, d'après Furby et coll. (1989) « de loin les meilleures sources de données » (p. 27).

Afin de neutraliser les diverses influences que peuvent exercer le contexte et l'échantillon, nous avons retenu comme unité de base de l'analyse les corrélations constatées à l'intérieur de chaque étude. Les périodes de suivi, les définitions de la récidive et les systèmes de justice pénale variaient selon les études, mais ces facteurs étaient les mêmes pour tous les délinquants visés par une étude donnée. Cela veut dire que ces facteurs, liés à l'étude et au contexte, ne devraient exercer qu'une incidence directe restreinte sur les corrélations constatées dans les études (sauf dans la mesure où ils influent sur le taux de récidive de base, dont nous discuterons plus loin). Bien qu'échappant aux effets principaux évidents de facteurs comme la période de suivi, les corrélations propres à chaque étude étaient néanmoins exposées à des effets modérateurs (interactions entre la variable prédictive, la récidive et une autre variable). Une des questions empiriques sur laquelle a porté notre méta-analyse consistait justement à déterminer l'importance de ces effets modérateurs.

Nous avons tenté d'inclure dans notre analyse tous les facteurs prédictifs signalés, sauf les effets du traitement. L'efficacité du traitement est une question assez importante dans le cas des délinquants sexuels pour justifier des analyses distinctes. Plusieurs études descriptives (Marshall, Jones, Ward, Johnston et Barbaree, 1991; Marshall et Pithers, 1994; Quinsey, Harris, Rice et LaLumière, 1993) et au moins deux méta-analyses (Alexander, 1995; Hall, 1995a) ont été réalisées récemment sur le sujet. Plutôt que de contribuer au débat sur l'efficacité du traitement, nous nous sommes concentrés sur l'évaluation du risque. Notre étude englobe toutefois un certain nombre de variables liées au traitement comme la motivation à l'égard du traitement et des échecs antérieurs de programmes de traitement. Certains auteurs (par ex., Hall, 1995a) ont retenu des comparaisons entre les délinquants qui ont abandonné un programme de traitement et ceux qui ont mené celui-ci à bon terme comme preuve de l'efficacité du traitement, mais nous avons inclus ces comparaisons dans la catégorie « motivation à suivre un traitement ».

Nous avons relevé dans les études non seulement diverses variables prédictives, mais aussi diverses définitions de la récidive (par ex., perpétration de la même infraction, perpétration de toute infraction avec violence). Différentes mesures étaient également utilisées pour évaluer la récidive, y compris les autodéclarations, les inculpations par la police, les nouvelles condamnations, les violations des conditions de la liberté conditionnelle et les résultats des programmes de traitement. Pour simplifier l'analyse, nous avons groupé ces divers indices de la récidive en trois catégories : récidive sexuelle, récidive non sexuelle avec violence et toute récidive (récidive en général). Ces trois catégories étaient celles que les auteurs avaient le plus souvent examinées et qui étaient jugées les plus informatives.

Bref, nous avons exploré dans notre analyse la question suivante : par rapport aux autres délinquants sexuels, quelles sont les caractéristiques qui augmentent ou diminuent le risque de récidive d'un délinquant en particulier? Pour répondre à cette question, nous avons groupé les résultats d'un grand nombre d'études de suivi et nous les avons analysés à l'aide de techniques quantitatives. L'utilisation des techniques de la méta-analyse a permis d'intégrer des études et des variables prédictives beaucoup plus nombreuses que celles qui ont été explorées dans des analyses antérieures. Le but était de fournir une information sur l'importance relative des divers facteurs de risque et la mesure dans laquelle on peut généraliser les facteurs de risque pour les appliquer à différents échantillons et contextes.

Méthode

Échantillon

Des recherches informatiques ont été effectuées dans PsycLIT et dans le National Criminal Justice Reference System (NCJRS) à l'aide des équivalents anglais des mots clés suivants : délinquant sexuel, viol, violeur, agresseur d'enfants, pédophile, pédophilie, exhibitionniste, exhibitionnisme, agression sexuelle, inceste, voyeur, frotteur, outrage à la pudeur, déviant sexuel, paraphilie, paraphile, prévoir, récidive, récidiviste, récidiver, nouvelle infraction, rechute et échec. Nous avons cherché des articles additionnels en examinant les bibliographies accompagnant les articles recueillis et les analyses dans ce domaine. Enfin, nous avons écrit à 32 chercheurs reconnus dans le domaine de la récidive sexuelle en leur demandant de nous fournir des articles ou données omis ou inédits.

Pour être incluse dans l'analyse, une étude devait satisfaire aux critères suivants :

a) Porter sur un échantillon reconnaissable de délinquants sexuels. Les études sur des délinquants dont l'infraction répertoriée n'était pas d'ordre sexuel ont été exclues même si certains membres du groupe avaient déjà commis des infractions sexuelles.

b) Inclure une période de suivi. La récidive devait s'être produite après un moment déterminé (par ex., mise en liberté, achèvement du traitement). Nous avons exclu les études rétrospectives portant uniquement sur les antécédents criminels antérieurs à l'infraction répertoriée.

c) Examiner la relation entre une caractéristique des délinquants et la récidive au cours de la période de suivi. La caractéristique ne devait pas être liée à la situation de récidive; par exemple, le « niveau d'adaptation à la collectivité » n'aurait pas été considéré comme une variable prédictive si la récidive était considérée comme un critère de « difficultés d'adaptation à la collectivité ». De même, nous n'avons pas retenu les facteurs intéressant uniquement le milieu immédiat (par ex., des comparaisons entre hôpitaux, le lieu de naissance).

d) Inclure des données sur la récidive sexuelle, la récidive non sexuelle avec violence ou toute récidive. Les études étaient exclues si elles combinaient la récidive sexuelle et non sexuelle avec violence ou si elles portaient uniquement sur un type particulier de récidive sexuelle (par ex., les violeurs qui commettent de nouveaux viols). Nous avons décidé d'exclure les études portant sur une seule sorte d'infraction sexuelle en prenant pour hypothèse que les prédicteurs pouvaient être différents selon le genre d'infraction sexuelle. Une combinaison de toutes les sortes d'infractions sexuelles entraîne une perte d'information, tandis que l'utilisation d'une définition type facilite les comparaisons entre études.

e) Inclure assez d'information statistique. Les auteurs devaient préciser la taille de leur échantillon et le taux de récidive, et fournir suffisamment de données pour permettre d'estimer r ou phi (Ø). La simple affirmation selon laquelle une variable « permettait de prévoir » ou « ne permettait pas de prévoir » la récidive était considérée comme acceptable à condition que les tests statistiques pertinents aient été effectués, même s'ils n'étaient pas présentés intégralement.

Au 31 décembre 1995, qui était notre date limite, nous avions réuni 87 documents utilisables (articles publiés, livres, rapports officiels, évaluations de programmes inédites, communications à des conférences, etc.). Lorsque plusieurs articles portaient sur le même ensemble de données, tous les résultats relatifs à ces données étaient considérés comme venant de la même étude. Nous avons par conséquent jugé que les 87 documents correspondaient à 61 études venant de six pays (30 des États-Unis; 16 du Canada; 10 du Royaume-Uni; deux de l'Australie; deux du Danemark; une de la Norvège). Un peu moins de la moitié des études (43 %) étaient inédites (par ex., communications à des conférences, rapports internes d'organismes). La moitié des études étaient postérieures à 1989 (les dates des études s'échelonnaient de 1943 à 1995). La taille médiane des échantillons était de 198 sujets (moyenne : 475; gamme : de 12 à 4 428).

La plupart des études portaient sur des groupes mixtes de délinquants sexuels (90 %), bien que six aient porté exclusivement sur des agresseurs d'enfants. Sur les 61 études, 52 étaient fondées sur des échantillons d'adultes, six, des échantillons d'adolescents et trois, des échantillons composés à la fois d'adultes et d'adolescents. Il s'agissait de délinquants se trouvant en établissement (48 %), ou dans la collectivité (25 %), ou encore d'échantillons comprenant les deux situations (27 %). Dix-neuf études portaient exclusivement sur des échantillons de détenus, et 11, sur des échantillons de patients d'établissements de soins psychiatriques en milieu surveillé, tandis que les autres portaient sur des cas provenant de diverses sources (cliniques privées, tribunaux, combinaison de sources). Environ la moitié des échantillons (48 %) étaient composés de délinquants sexuels participant à des programmes de traitement. Les études qui renfermaient des renseignements démographiques ont révélé que les délinquants étaient surtout de race blanche (27 études sur 28) et d'un statut socioéconomique inférieur (27 études sur 29).

Les mesures les plus courantes de la récidive étaient une nouvelle condamnation (84 %), l'arrestation (54 %), les autodéclarations (25 %) et les violations des conditions de la liberté conditionnelle (16 %). Dans 44 % des études (27 sur 61), les auteurs ont utilisé des indices multiples de la récidive. Les sources les plus courantes de renseignements sur la récidive étaient les dossiers nationaux de justice pénale (41 %), des dossiers provinciaux ou d'État (41 %), des dossiers de programmes de traitement (29 %) et des autodéclarations (25 %). En outre, pour 25 % des études, d'autres sources ont été utilisées (par ex., dossiers des services de protection de l'enfance). Dans 43 % des études, les auteurs ont utilisé des sources multiples, tandis que dans 15 études, la source des renseignements sur la récidive n'était pas indiquée. Les périodes de suivi allaient de six mois à 23 ans (médiane : 48 mois; moyenne : 66 mois).

Procédure de codage

Deux évaluateurs (les deux auteurs) ont codé séparément chaque document en se basant sur une liste type de catégories et sur des règles de codage1. Les catégories des variables prédictives ont été conçues de façon à être en accord avec l'usage courant dans les recherches et à limiter la répétition de renseignements provenant de la même étude. En général, les facteurs pouvaient être groupés selon les grandes catégories suivantes : a) aspects du développement (par ex., problèmes familiaux, délinquance juvénile); b) facteurs démographiques (par ex., âge, état matrimonial); c) antécédents criminels de nature non sexuelle (par ex., nombre total d'admissions dans un établissement correctionnel); d) antécédents criminels de nature sexuelle (infractions sexuelles antérieures, âge et sexe des victimes); e) variables liées à l'évaluation clinique. Ces dernières ont en outre été divisées en deux sous-groupes : les variables expressément liées aux infractions sexuelles (par ex., évaluations phallométriques) et les facteurs psychologiques généraux (par ex., QI, troubles de la personnalité). Étant donné que le MMPI est souvent utilisé pour les évaluations médicolégales (Lees-Haley, 1992), les résultats des différentes échelles du MMPI ont été indiqués séparément.

Pour une variable prédictive donnée, un seul résultat a été retenu dans chaque étude (ensemble de données). Lorsque les auteurs donnaient des résultats multiples relativement à la même variable, nous avons utilisé celui qui était basé sur l'échantillon le plus nombreux. Dans le cas d'échantillons de même taille, nous avons choisi le résultat fournissant le plus d'information. Si le détail descriptif était aussi équivalent, nous avons pris la valeur médiane (ou avons choisi au hasard une des valeurs s'il n'y avait que deux valeurs).

Dans le cas d'études incluant des mesures préalables et postérieures au traitement, nous avons utilisé les mesures postérieures, sauf si les observations au sujet de celles-ci étaient basées sur un nombre de cas insuffisant. Nous avons considéré les nombres comme insuffisants s'il y avait moins de 30 cas ou si les données postérieures au traitement portaient sur moitié moins de cas que les données préalables au traitement.

Indice d'exactitude prédictive

La statistique employée pour déterminer l'exactitude prédictive était r. Étant donné la dichotomie des critères de récidive, r correspondait à des coefficients de corrélation bisériale de point pour les prédicteurs linéaires (par ex., l'âge) et au coefficient phi pour les prédicteurs dichotomiques (par ex., marié ou non marié). L'utilisation de r présente plusieurs avantages : cette technique est bien connue et elle facilite les comparaisons quant à l'ordre de grandeur entre les relations; de plus, les procédures statistiques d'agrégation de r sont bien documentées (Hedges et Olkin, 1985; Rosenthal, 1991). On peut considérer l'ordre de grandeur d'une corrélation comme la valeur approximative de la différence en pourcentage entre les taux de récidive des délinquants qui présentent une caractéristique et de ceux qui ne la présentent pas (Farrington et Loeber, 1989). Par exemple, si le taux de récidive global était de 25 % et la corrélation entre les personnes aux yeux bleus et la récidive de 0,20, le taux de récidive pour les délinquants aux yeux bleus serait de 35 %, contre 15 % pour les autres délinquants (0,35 - 0,15 = 0,20).

Les formules employées pour convertir les statistiques utilisées dans les études (F, t, niveaux de signification) en r ont été tirées de Rosenthal (1991). Les valeurs de r ont été calculées à partir des données les plus directes disponibles. Ainsi, si une étude incluait tant les fréquences brutes que la valeur khi carré, la corrélation était calculée à partir des fréquences. Nous avons attribué à r une valeur de zéro dans le cas des études qui n'indiquaient aucune relation significative entre le prédicteur et la récidive; si une étude faisait état d'une relation non significative, tout en précisant le sens de la relation, alors une valeur de r était choisie au hasard entre zéro et la valeur minimale possible nécessaire pour obtenir une relation statistiquement significative. Pour cinq études (Bonta et Hanson, 1995a; Hanson, Steffy et Gauthier, 1993b; Proulx, Pellerin, McKibben, Aubut et Ouimet, 1995; Reddon, Studer et Estrada, 1995; Thornton, 1995), les corrélations ont été calculées directement à partir des ensembles de données brutes originales à l'aide du programme SPSS pour Windows (Norušis, 1993). Certains renseignements provenant de ces ensembles de données inédits ont déjà été présentés (Bonta et Hanson, 1995b; Hanson, Scott et Steffy, 1995; Hanson, Steffy et Gauthier, 1992, 1993a; Pellerin, Proulx, Ouimet, Paradis, Mckibben et Aubut, 1996; Proulx, Pellerin, McKibben, Aubut et Ouimet, sous presse; Studer, Reddon, Roper et Estrada, sous presse).

Agrégation des résultats

Deux méthodes ont été employées pour agréger les résultats des études. La première consistait simplement à calculer la valeur médiane de r pour toutes les études. L'avantage de cette technique est que les valeurs médianes sont faciles à calculer et à interpréter : la moitié des études donnaient des valeurs supérieures et l'autre moitié, des valeurs inférieures. Toutefois, les valeurs médianes présentent certains désavantages en tant que mesure d'une tendance centrale. Premièrement, les statistiques servant à estimer la variabilité des valeurs médianes ne sont pas faciles à obtenir. Or ces estimations de la variabilité sont importantes lorsqu'on veut évaluer la possibilité de généraliser les résultats de recherches à toutes les études. En outre, les valeurs médianes ne font pas entrer en ligne de compte les facteurs qui peuvent influencer les résultats, comme les taux de base de la récidive et la taille des échantillons. C'est pourquoi nous avons utilisé une autre méthode pour agréger les résultats (la valeur moyenne pondérée de r) parce qu'elle offrait la possibilité de produire des estimations plus exactes des valeurs médianes.

Afin de calculer les corrélations moyennes pour chaque variable, il a fallu tout d'abord rajuster chaque corrélation pour tenir compte des différences dans les taux de base de la récidive. Comme on peut s'y attendre, les corrélations diminuent en fonction de la variance (Ley, 1972). Dans le cas de variables dichotomiques, comme la récidive, la variance est plus grande lorsque la proportion est de 0,50, et elle diminue au fur et à mesure que la proportion se rapproche de 0 ou 1 (plus particulièrement, s 2 = p(1-p); Hays, 1981). On peut par conséquent s'attendre à ce que les corrélations observées diminuent lorsque les taux de récidive décroissent. Afin de corriger pour les restrictions attendues dans l'ordre de grandeur des corrélations, nous avons rajusté chacune des corrélations observées en appliquant la formule 12:8 de Ley (1972) :

r'xy = [rxy (s x'/s x)]/[1 - rxy2 + rxy2(s x'2/s x2)]1/2

rxy est la corrélation observée compte tenu de l'écart-type observé du taux de base (s x) et r'xy, la corrélation rajustée, en supposant un écart-type commun à toutes les études qui, dans ce cas, était l'écart-type moyen pour toutes les études incluses dans l'analyse (s x'). Nous avions initialement prévu d'appliquer un rajustement semblable pour la différence quant à la variabilité des prédicteurs, mais l'information au sujet de la variance dans les variables prédictives n'était pas suffisante pour permettre un rajustement valable.

Les valeurs résultantes de r'xy ont été agrégées à l'aide des techniques recommandées par Hedges et Olkin (1985). Chaque corrélation rajustée a été transformée en Zr , selon la formule Zr = 1/2log[(1 + r)/(1 - r)]. Une moyenne pondérée des valeurs de Zr a ensuite été calculée, les coefficients de pondération équivalant à l'inverse de leurs variances (n - 3). La moyenne résultante, Z+ a ensuite été retransformée en une corrélation moyenne rajustée - r+.

Généralisabilité des résultats

Les techniques de Hedges et Olkin (1985) ont été utilisées pour déterminer la signification statistique de r+ ainsi que la variabilité pour toutes les études. Le test de signification était basé sur une variable aléatoire normale et la formule suivante : W = Z+(N - 3k)1/2 , où W est la valeur de la variable aléatoire normale, N, la taille de l'échantillon et k le nombre d'études.

Nous avons déterminé la variabilité pour toutes les études à l'aide de la statistique Q de Hedges et Olkin (1985) : Q = å (ni - 3)(Zi - Z+)2, où ni est le nombre de sujets dans chaque étude, Zi, la corrélation transformée pour chaque étude et Z+, la moyenne pondérée de Z. La statistique Q est distribuée comme un c 2 avec k-1 degrés de liberté (k étant le nombre d'études). Un résultat était considéré comme aberrant si a) il correspondait à une valeur extrême (la plus élevée ou la plus basse), b) la statistique Q était significative et c) le résultat correspondait à lui seul à plus de 50 % de la valeur de la statistique Q. Lorsqu'une valeur aberrante était décelée, les résultats étaient signalés avec ou sans le cas exceptionnel.

Résultats

Les 61 études ont fourni une information sur 28 972 délinquants sexuels, la taille des échantillons étant cependant plus petite pour chacune des analyses. Le taux de récidive sexuelle était en moyenne faible. Au cours de la période de suivi moyenne de quatre à cinq ans, 13,4 % des délinquants sexuels ont commis une nouvelle infraction de nature sexuelle (n = 23 393; la proportion était de 18,9 % pour les 1 839 violeurs et de 12,7 % pour les 9 603 agresseurs d'enfants). Le taux de récidive non sexuelle avec violence était de 12,2 % (n = 7 155), mais il y avait une différence marquée quant au taux de récidive non sexuelle avec violence entre les agresseurs d'enfants (9,9 %; n = 1 774) et les violeurs (22,1 %; n = 782). Lorsque la récidive était définie comme toute nouvelle infraction, les taux étaient bien sûr supérieurs : 36,3 % en général (n = 19 374), 36,9 % pour les agresseurs d'enfants (n = 3 363) et 46,2 % pour les violeurs (n = 4 017). Il faut toutefois prendre ces moyennes sous toute réserve étant donné qu'elles reposent sur des résultats obtenus par des méthodes diverses en fonction de périodes de suivi dont la durée varie et que, comme nous l'avons déjà signalé, de nombreuses infractions sexuelles ne sont pas décelées. Néanmoins, ces chiffres globaux fournissent le contexte général à l'intérieur duquel on peut interpréter les effets des diverses variables prédictives.

Nous avons pu, au total, relever 1 235 corrélations entre diverses caractéristiques et la récidive. Pour être incluse dans la méta-analyse, une variable devait avoir été examinée dans au moins trois études distinctes : 970 corrélations ont ainsi été utilisables. La plupart avaient trait à la récidive sexuelle (472); venaient ensuite les corrélations permettant de prévoir la récidive en général (329) et la récidive non sexuelle avec violence (169).

Dans les tableaux qui se trouvent à la fin du rapport, nous présentons les prédicteurs séparément pour la récidive sexuelle (tableau 1), la récidive non sexuelle avec violence (tableau 2) et la récidive en général - toute infraction (tableau 3). Nous avons groupé les prédicteurs suivant les catégories des aspects du développement, des facteurs démographiques, des antécédents criminels et des variables employées pour l'évaluation clinique. À l'intérieur de chaque catégorie, nous avons classé les variables selon leur valeur prédictive, de la plus forte à la plus faible, en nous basant sur la corrélation moyenne rajustée (r+). Les résultats les plus fiables étaient ceux pour lesquels les valeurs moyennes et médianes étaient semblables, la valeur de W (le test de l'hypothèse nulle), considérable, et la valeur de Q (la mesure de la variabilité), faible. Il ne faut toutefois pas oublier que W et Q augmentent en fonction de la taille de l'échantillon. Dans le cas d'échantillons de grande taille, des effets minimes peuvent avoir une signification statistique considérable. En général, les variables présentant des corrélations inférieures à 0,10 n'ont, dans la plupart des contextes, guère d'utilité pratique.

Prédicteurs de la récidive sexuelle

Trois aspects du développement permettaient de prévoir de façon significative la récidive sexuelle : une relation négative avec la mère (r+ = 0,16), la délinquance juvénile (r+ = 0,07) et une mesure agrégée de problèmes généraux dans la famille d'origine - violence non sexuelle, perturbations familiales (r+ = 0,08). Bien que statistiquement significatifs, les effets des problèmes familiaux généraux et de la délinquance juvénile étaient si minimes qu'ils n'avaient guère de signification pratique. Il est intéressant de noter l'absence de relation entre la récidive sexuelle et des affirmations d'exploitation sexuelle dans l'enfance (r+ = -0,01) ou une relation négative avec le père (r+ = 0,02).

En ce qui concerne les facteurs démographiques, les délinquants sexuels jeunes étaient plus susceptibles de récidiver que les plus âgés. Les délinquants sexuels célibataires risquaient aussi plus que les autres de récidiver. Il n'y avait pas de relation significative entre les autres facteurs démographiques et la récidive sexuelle. Seul Maletzky (1993) a constaté qu'un manque de stabilité sur le plan de l'emploi et un statut social inférieur constituaient des facteurs de risque. Toutefois, sa définition de la récidive était exceptionnellement vaste : « l'échec du traitement ». Cette définition incluait l'abandon du traitement et un changement insuffisant du sujet traité, en plus de la perpétration d'une nouvelle infraction d'ordre sexuel.

Il existait également une relation entre le nombre d'infractions antérieures (r+ = 0,13) et d'admissions dans un établissement correctionnel (r+ = 0,09) et la récidive sexuelle. Des antécédents d'infractions non sexuelles avec violence et d'infractions sans violence ne constituaient pas des facteurs de risque significatifs pour la récidive sexuelle.

Il y avait une relation entre un grand nombre des facteurs relatifs aux antécédents criminels de nature sexuelle et la récidive sexuelle. Des antécédents d'infractions d'ordre sexuel augmentaient le risque de nouvelles infractions sexuelles (r+ = 0,19), ce qui n'a rien de surprenant. La relation entre la victime et le délinquant constituait aussi un important prédicteur. Les délinquants qui s'en étaient pris à des enfants avec lesquels ils avaient des liens de parenté (délinquants auteurs d'incestes) risquaient moins de récidiver que les autres délinquants sexuels. Par ailleurs, ceux dont les victimes étaient des inconnus présentaient un risque de récidive plus grand que ceux qui s'en étaient pris à des personnes qu'ils connaissaient (les auteurs d'incestes étaient exclus de la comparaison inconnu/connaissance). Les délinquants qui s'en étaient pris à des filles étaient en moyenne moins susceptibles de récidiver que les autres délinquants (par ex., les violeurs, les délinquants qui s'en étaient pris à des garçons, les exhibitionnistes qui s'étaient montrés à des femmes). Inversement, les délinquants qui s'en étaient pris à des garçons présentaient un risque un peu plus élevé que les autres délinquants sexuels (r+ = 0,11). Les exhibitionnistes et les violeurs présentaient aussi un risque plus élevé que la moyenne, même si les effets étaient négligeables (moins de 0,10). En général, les délinquants qui avaient commis divers crimes sexuels étaient plus susceptibles de récidiver que ceux qui n'avaient commis qu'une sorte d'infraction sexuelle. Il n'y avait guère de relation entre la récidive et les autres variables relatives aux antécédents d'infraction sexuelle (par ex., expérience sexuelle imposée, blessure causée à la victime, fait de s'en être pris à des enfants) et la récidive; l'utilisation d'échantillons très nombreux (jusqu'à concurrence de 13 683) a toutefois rendu certains effets minuscules statistiquement significatifs.

Le prédicteur de la récidive sexuelle le plus important était une préférence sexuelle pour les enfants mesurée par des méthodes phallométriques. L'effet n'était pas le même dans toutes les études, ce qui laisse supposer que certaines méthodes d'évaluation sont meilleures que d'autres, mais l'effet global était considérable (r+ de 0,32). Notre catégorie générale de « préférence sexuelle déviante » permettait également de prévoir la récidive. Les auteurs d'études sur cette question ont utilisé diverses définitions de la déviance (viol/agression d'enfants) ou diverses méthodes d'évaluation (mesure phallométrique, autodéclaration, méthode inconnue). Une préférence sexuelle pour les garçons, mesurée au moyen de tests phallométriques, constituait aussi un prédicteur du risque significatif (0,14), mais moins discriminatoire que la définition générale « toute préférence sexuelle pour les enfants » (0,32). Par contraste, il n'y avait pas de relation significative entre une préférence sexuelle pour le viol et la récidive sexuelle (0,05).

Les délinquants sexuels considérés légalement comme « souffrant de troubles mentaux » d'après diverses lois sur les psychopathes sexuels n'étaient qu'un peu plus susceptibles de récidiver que les autres groupes de délinquants sexuels (0,07). Contrairement à ce que l'on suppose souvent, les délinquants sexuels qui niaient leurs infractions ne présentaient pas plus de risque que les autres délinquants (r moyen de 0,02, sans variabilité significative). Dans son étude, Maletzky (1993) signalait une relation entre le déni et l'échec du traitement, mais il était impossible de dire si le déni était lié uniquement à l'abandon du traitement (ou au manque de coopération de la part du sujet) ou à la récidive comme telle.

Peu de variables psychologiques générales étaient en relation significative avec la récidive. Des antécédents de psychose constituaient un facteur de risque significatif (r+ = 25, « souffrant de troubles graves »); il y avait toutefois beaucoup de variabilité entre les résultats, attribuable pour l'essentiel à une étude portant sur 37 exhibitionnistes (Hackett, 1971). Un diagnostic de trouble de la personnalité, soit ordinairement un diagnostic de personnalité antisociale ou de psychopathie, était le facteur psychologique lié au risque de la façon la plus constante. On a aussi constaté une relation entre un faible niveau d'intelligence et la récidive, mais l'effet était minime (r+ de 0,09). Il n'y avait aucune relation entre des mesures générales de détresse ou de dysfonctionnement psychologique (par ex., dépression, angoisse, manque de compétences sociales) et la récidive sexuelle.

Les auteurs de quatre études se sont employés à établir une corrélation entre des échelles du MPPI et la récidive sexuelle (Davis, Hoffman et Stacken, 1991; Hall, 1988; Hanson et coll., 1992, 1993b; Reddon et coll., 1995). L'échelle la plus étroitement liée à des orientations sexuelles déviantes, soit l'échelle masculinité-féminité, permettait habituellement de prévoir la récidive sexuelle (r+ de 0,27). L'échelle de la paranoïa permettait aussi de prévoir la récidive (r+ = 0,16), mais il existait une variabilité significative entre les études. Il n'y avait pas de corrélation entre les autres échelles et la récidive. En général, les résultats des études sur le MMPI étaient en accord avec ceux d'autres études qui n'avaient pas permis de trouver une relation entre le dysfonctionnement psychologique général et la récidive sexuelle.

Prédicteurs de la récidive non sexuelle avec violence

Comme on peut le voir au tableau 2, il était possible de prévoir la récidive non sexuelle avec violence à partir de variables criminologiques familières comme la délinquance juvénile, l'âge (jeune), l'appartenance à un groupe racial minoritaire et l'état matrimonial (célibataire). En outre, les délinquants ayant déjà commis des infractions, notamment des infractions avec violence, présentaient un plus grand risque de commettre de nouvelles infractions non sexuelles avec violence.

Le risque de nouvelles infractions non sexuelles avec violence était plus grand pour les violeurs que pour les autres délinquants sexuels (0,23), et surtout que pour les agresseurs d'enfants (-0,16). Les délinquants dont les victimes étaient du sexe masculin, des personnes avec lesquelles ils avaient des liens de parenté ou des jeunes présentaient relativement moins de risque de commettre de nouvelles infractions non sexuelles avec violence. La perpétration d'infractions sexuelles antérieures ne permettait pas de prévoir la récidive non sexuelle avec violence (r+ = 0,02).

La seule variable des évaluations cliniques qui présentait une relation significative avec la récidive non sexuelle avec violence était un diagnostic de personnalité antisociale ou de psychopathie (r+ = 0,19). Nous avons constaté une grande variabilité entre les études en ce qui concerne une préférence pour le viol, déterminée au moyen de tests phallométriques (la gamme allait -0,28 à 0,22), mais, en moyenne, il n'y avait pas de relation entre cette variable et la récidive. Il faut interpréter avec circonspection les résultats obtenus à l'aide des prédicteurs basés sur les évaluations cliniques étant donné que ces facteurs ont été examinés dans un nombre très réduit d'études (trois ou quatre).

Les auteurs de trois études ont examiné la relation entre différentes échelles du MMPI et la récidive non sexuelle avec violence (Hall, 1988; Hanson et coll., 1992, 1993b; Reddon et coll., 1995). Comme on pouvait s'y attendre, une augmentation du score obtenu sur l'échelle de la déviance psychopathique (Pd) constituait un facteur de risque important. Les autres variables liées à la récidive non sexuelle avec violence étaient un score élevé sur l'échelle K (attitude défensive subtile) et un faible score sur l'échelle de l'introversion sociale. Compte tenu de la variabilité significative en ce qui concerne les deux derniers résultats et la taille modeste des échantillons, il est difficile de dire si l'on obtiendrait les mêmes effets avec d'autres échantillons.

 

Prédicteurs de la récidive en général

De tous les facteurs liés au développement, celui qui permettait le plus de prévoir la récidive en général était, comme on pouvait s'y attendre, des antécédents de délinquant juvénile (r+ = 0,28). Une relation négative avec la mère (0,14) et l'exploitation sexuelle dans l'enfance (0,10) permettaient également de prévoir la récidive en général.

Les facteurs démographiques prédictifs de la récidive non sexuelle avec violence permettaient également de prévoir la récidive en général. Les délinquants sexuels risquaient davantage de récidiver s'ils étaient jeunes et célibataires ou s'ils appartenaient à un groupe racial minoritaire. Le nombre d'infractions antérieures (0,23), des infractions antérieures avec violence (0,20) et des admissions antérieures dans des établissements correctionnels (0,25) permettaient également de prévoir la récidive en général.

Il y avait aussi une relation entre les antécédents de crimes sexuels des délinquants et la récidive en général, même si les effets tendaient à être modestes et à présenter une grande variabilité. Les délinquants qui avaient eu recours à la force étaient plus susceptibles que les autres délinquants sexuels de récidiver, tout comme ceux qui avaient déjà commis des infractions sexuelles. Les agresseurs d'enfants, surtout les auteurs d'incestes, récidivaient moins fréquemment que les autres délinquants sexuels. Les violeurs et les exhibitionnistes présentaient un plus grand risque sur le plan statistique, mais les effets avaient une signification pratique minime ou nulle (r moyens de 0,05 et 0,04 respectivement).

Les délinquants qui n'avaient pas la motivation voulue pour participer à un programme de traitement ou qui n'avaient pas achevé celui-ci présentaient un plus grand risque de récidive en général que ceux qui l'avaient achevé (r+ = 0,14). La participation à un traitement avant l'infraction à l'origine de la peine actuelle était liée à une baisse de la récidive en général (-0,07, p < 0,01). Malgré une variabilité significative, on a également constaté une relation entre le fait d'être considéré comme un « délinquant sexuel souffrant de troubles mentaux » et une baisse de la récidive en général (-0,10). Il y avait aussi, en moyenne, une relation entre la consommation d'alcool durant la perpétration de l'infraction et la récidive en général, mais l'effet était basé sur une seule étude de vaste envergure (Motiuk et Brown, 1993). Les délinquants qui niaient avoir commis une infraction d'ordre sexuel risquaient davantage de récidiver en commettant une nouvelle infraction non sexuelle (0,12); toutefois, il existait dans ce cas également une grande variabilité dans les résultats.

Les variables psychologiques générales tendaient à ne pas être liées à la récidive, à l'exception des troubles de la personnalité (notamment la personnalité antisociale ou psychopathie) et de l'abus d'alcool. Aucune des sous-échelles du MMPI n'avait une relation significative avec la récidive en général.

 

Échelles de risque combinées

Les analyses présentées jusqu'à maintenant ont porté sur l'efficacité prédictive de différents facteurs de risque. Il faut maintenant s'interroger sur la capacité de prévoir la récidive à l'aide de combinaisons de variables. Les échelles de risque pour les délinquants sexuels n'ont pas fait l'objet d'un examen approfondi, mais les résultats disponibles peuvent éclairer jusqu'à un certain point la situation.

Il existe différentes manières de combiner les variables. On peut notamment utiliser le jugement clinique, c'est-à-dire se baser sur l'opinion d'experts pour pondérer divers renseignements recueillis au moyen d'interviews, de tests structurés et d'un examen des antécédents criminels. Une deuxième méthode de prévision du risque est carrément statistique. Dans ce cas, on se sert d'un algorithme pour choisir les coefficients de pondération optimaux qui permettent de reproduire les résultats connus quant à la récidive (par ex., régression multiple). Une troisième méthode de combinaison de variables consiste à employer des échelles de risque objectives. Dans ce cas, on attribue des coefficients de pondération aux variables en se basant soit sur la théorie soit sur les analyses statistiques antérieures. La différence entre la méthode des échelles de risque objectives et la méthode statistique est que les coefficients de pondération employés dans le premier cas n'ont pas été élaborés à partir du même échantillon que celui qui est employé pour « tester » l'exactitude des résultats. Les méthodes statistiques produisent toujours les corrélations les plus élevées étant donné qu'elles sont conçues pour choisir les coefficients de pondération optimaux pour l'échantillon en question. Les échelles de risque objectives permettent toutefois d'estimer la mesure dans laquelle des échelles élaborées par des moyens statistiques permettent d'établir des prévisions pour d'autres échantillons.

Comme on peut le voir au tableau 4, l'exactitude prédictive des évaluations cliniques du risque n'était pas remarquable pour la récidive sexuelle (0,10; p < 0,001), la récidive non sexuelle avec violence (0,06; ns) et la récidive en général (0,14; p < 0,001). Par contre, les échelles statistiques de prévision du risque (par ex., la régression par degrés) produisaient ordinairement des corrélations beaucoup plus considérables que celles obtenues pour une seule variable (0,46 pour la récidive sexuelle, 0,42 pour la récidive non sexuelle avec violence et 0,46 pour la récidive en général).

Les éléments inclus dans les échelles statistiques de prévision du risque de récidive sexuelle variaient considérablement selon les études. Les échelles incluaient de trois à neuf éléments, et nous n'avons pas trouvé un seul élément commun aux six études (Abel, Mittelman, Becker, Rathner et Rouleau, 1988; Barbaree et Marshall, 1988; Hanson et coll., 1993b; Quinsey, Rice et Harris, 1995; Prentky, Knight et Lee, 1995; Smith et Monastersky, 1986). Les éléments les plus communs étaient des infractions sexuelles antérieures (élément utilisé dans quatre études), des préférences sexuelles déviantes (trois études), l'état matrimonial (trois études), des crimes sexuels divers et le fait d'avoir choisi comme victime un garçon (ces deux derniers éléments ont été utilisés dans deux études). On peut attribuer les différences entre les études aux variations dans les échantillons, aux différentes variables étudiées et aux fluctuations aléatoires auxquelles les méthodes de régression « par degrés » sont particulièrement vulnérables (Pedhazur, 1982). On ne peut pas s'attendre à retrouver dans d'autres échantillons un grand nombre des prédicteurs cernés par des moyens statistiques (par ex., nombre de frères et soeurs, fait de ne pas avoir considéré la communication entre adultes comme un objectif de traitement).

Nous n'avons trouvé qu'une seule étude (Epperson, Kaul et Huot, 1995) où un instrument d'évaluation du risque a été conçu expressément pour la récidive sexuelle puis contrevalidé auprès d'un échantillon entièrement nouveau. Les 21 éléments de l'échelle englobaient les antécédents criminels de nature sexuelle et non sexuelle, la toxicomanie et l'emploi. L'échelle a produit une corrélation de 0,27 pour la récidive sexuelle. Certains des éléments faisant partie de l'échelle d'Epperson et coll. (1995) étaient, d'après cette méta-analyse, des prédicteurs de la récidive sexuelle (par ex., condamnation pour infractions antérieures de nature sexuelle, âge, paraphilies multiples). La présente méta-analyse a toutefois permis de constater qu'un grand nombre des éléments faisant partie de cette échelle avaient une relation plus étroite avec la récidive en général qu'avec la récidive sexuelle (par ex., toxicomanie, blessures infligées aux victimes).

Les échelles objectives d'évaluation du risque axées sur la récidive en général se sont révélées raisonnablement exactes comme moyen de prévoir la récidive non sexuelle chez les délinquants sexuels; toutefois, la relation entre ces échelles et la récidive sexuelle était faible. Bonta et Hanson (1995a, 1995b) ont constaté que, pour l'Échelle d'ISR, il y avait une corrélation de 0,41 avec la récidive en générale, de 0,34 avec la récidive non sexuelle avec violence et de seulement 0,9 avec la récidive sexuelle. L'Échelle d'ISR, basée sur les délinquants sous responsabilité fédérale du Canada, inclut des éléments ayant trait à l'âge, à l'état matrimonial ainsi que 11 éléments liés aux antécédents criminels - par ex., antécédents de voies de fait, d'introduction par effraction, d'incarcération (Bonta, Harman, Hann et Cormier, 1996). De même, l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité employée par le Service correctionnel du Canada (SCC) permet de prévoir l'échec de la libération conditionnelle en général chez les délinquants sexuels (0,23; n = 809) un peu moins bien que seulement pour les délinquants autres que sexuels (0,33; n = 253; Motiuk et Brown, 1993; Motiuk et Porporino, 1989). Les études menées par le SCC sur le risque et les besoins n'ont pas porté explicitement sur la récidive sexuelle.

Une autre échelle objective d'évaluation du risque utilisée auprès des délinquants sexuels est le guide d'évaluation du risque (Risk Appraisal Guide - RAG; Webster, Harris, Rice, Cormier et Quinsey, 1994). Le RAG a été élaboré pour prévoir la récidive sexuelle ou non sexuelle avec violence chez les délinquants incarcérés dans un centre psychiatrique à sécurité maximale. Les 12 éléments du RAG portent sur les troubles de la personnalité, l'inadaptation précoce à l'école, l'âge, l'état matrimonial, les antécédents criminels, la schizophrénie et les blessures causées à la victime (un coefficient de pondération négatif a été appliqué à ces deux derniers éléments, c'est-à-dire que la présence de ces facteurs réduit les scores de risque). En appliquant le RAG à un échantillon répété composé de 159 délinquants sexuels, Rice et Harris (1995) ont constaté une corrélation de 0,47 pour la récidive avec violence (sexuelle et non sexuelle), mais de seulement 0,20 pour la récidive sexuelle.

Discussion

La présente méta-analyse avait pour but de cerner les facteurs de risque de récidive chez les délinquants sexuels. En nous basant sur 61 ensembles de données, nous avons examiné 69 prédicteurs éventuels de la récidive sexuelle, 38 prédicteurs éventuels de la récidive non sexuelle avec violence et 58 prédicteurs éventuels de la récidive en général (toute récidive). Nous avons constaté l'existence d'une relation significative avec la récidive pour le tiers environ des variables (p < 0,05), les corrélations étant d'au moins 0,10. Toutefois, aucun facteur n'était en corrélation suffisamment forte avec la récidive pour que son utilisation exclusive soit justifiée.

Le nombre considérable de variables prédictives que nous avons examinées nous a empêchés de faire une analyse détaillée d'un prédicteur de risque en particulier. Nous n'avons notamment pas pu nous pencher sur la question pratique et importante de savoir comment opérationnaliser les divers constructs. Nous avons toutefois pu faire la distinction entre ceux qui permettaient de façon constante de prévoir la récidive, ceux qui ne permettaient jamais de la prévoir et ceux pour lesquels il était justifié de poursuivre les recherches et l'analyse.

D'après les résultats de notre analyse, il existe une relation étroite entre la récidive sexuelle et la déviance sexuelle. Les prédicteurs les plus solides étaient des résultats de tests phallométriques révélant une préférence sexuelle pour les enfants, des préférences sexuelles déviantes en général, des antécédents d'infractions sexuelles et, à un moindre degré, des antécédents de crimes sexuels divers. Nous avons également constaté une relation entre la récidive sexuelle et des indices de criminalité en général comme des infractions non sexuelles antérieures et une personnalité antisociale, mais les corrélations étaient plus faibles que celles que nous avons constatées pour les mesures de la déviance sexuelle.

Nous avons également constaté une relation entre l'âge et le sexe des victimes et la récidive sexuelle. D'après Quinsey, Lalumière et coll. (1995), les délinquants sexuels sont plus susceptibles de commettre de nouvelles infractions sexuelles s'ils s'en sont pris à des victimes du sexe masculin et moins susceptibles s'ils ont commis leurs infractions à l'endroit d'enfants avec lesquels ils avaient des liens de parenté (auteurs d'incestes). Notre analyse nous a également permis de conclure que les violeurs présentaient un risque seulement un peu plus élevé de récidiver en commettant de nouvelles infractions sexuelles que les agresseurs d'enfants, constatation qui se situe entre les conclusions contradictoires de Furby et coll. (1989) et de Quinsey, Lalumière et coll. (1995).

D'après un nombre considérable d'études, la récidive sexuelle est liée à l'état matrimonial (célibataire), à l'âge (jeune) et à l'absence de motivation à l'égard d'un traitement. Nous avons constaté une grande variabilité dans les constatations relatives à l'âge, ce qui semblerait indiquer que la relation entre l'âge et la récidive n'est peut-être pas entièrement linéaire. Il faudrait poursuivre les recherches pour déterminer si le risque de récidive atteint un maximum dans différentes tranches d'âge pour les diverses catégories de délinquants (par ex., dans la vingtaine pour les violeurs et dans la trentaine et la cinquantaine pour les agresseurs d'enfants). Même si la motivation à l'égard du traitement constituait un facteur de risque fiable, des recherches supplémentaires permettraient de déterminer s'il existe une différence entre ceux qui abandonnent un programme de traitement et ceux qui n'en commencent même pas.

La présente méta-analyse a également permis de cerner un certain nombre de mesures prometteuses dont il n'avait pas été question dans les analyses antérieures. Même si nous avons constaté une corrélation entre ces variables et la récidive, la prudence s'impose étant donné qu'elles étaient basées sur un nombre minimum d'études. Le plus intéressant de ces corrélats était la relation négative avec la mère. Cette constatation devrait plaire tant aux Freudiens qu'aux partisans de la théorie de l'apprentissage social puisque la relation d'un garçon avec sa mère est souvent considérée comme le prototype de ses relations hétérosexuelles futures à l'âge adulte. Une relation négative avec la mère peut aussi être considérée comme l'équivalent de l'absence de tout soutien parental étant donné que, bien souvent, les pères ne s'occupent pas de l'éducation de leurs enfants. L'observation d'une corrélation entre une relation négative avec la mère et la récidive tant sexuelle que générale vient appuyer cette dernière interprétation.

Les autres prédicteurs intéressants de la récidive sexuelle incluaient la perpétration des premières infractions sexuelles à un âge précoce, le fait de s'en prendre à des inconnus et le score obtenu sur l'échelle masculinité-féminité (Mf) du MMPI. Ces constatations appuient les autres résultats qui révèlent l'existence d'une relation entre la récidive sexuelle et des indices de déviance sexuelle. Même si l'échelle Mf du MMPI a initialement été conçue pour évaluer l'homosexualité, on a constaté chez les hommes peu instruits une relation entre des scores élevés sur cette échelle et des préoccupations et problèmes sexuels généraux (J.R. Graham, 1990). On a également constaté une relation entre l'échelle de la paranoïa (Pa) du MMPI et la récidive, mais la grande variabilité des résultats semble indiquer que ceux-ci ne sont peut-être pas très généralisables.

L'efficacité statistique élevée de la méta-analyse a aussi permis de cerner des facteurs qui ne sont pas liés à la récidive. Si la corrélation moyenne du facteur se rapprochait de zéro pour un facteur et s'il n'y avait pas de variabilité significative entre un nombre suffisant d'études(par ex., cinq), on pouvait raisonnablement conclure que le facteur ne constituait pas un prédicteur du risque. Même si les délinquants sexuels sont un peu plus susceptibles d'avoir été exploités sexuellement que les non-délinquants (Hanson et Slater, 1988), des antécédents d'exploitation sexuelle ne constituaient pas un facteur de risque de récidive sexuelle (r+ = -0,01). On n'a pas non plus constaté de relation entre d'une part la récidive sexuelle et d'autre part des problèmes de toxicomanie et des problèmes psychologiques généraux (angoisse, dépression, manque d'estime de soi, etc.). Il n'y avait pas non plus de relation entre les problèmes psychologiques généraux et toute forme de récidive (sexuelle, non sexuelle avec violence ou en général). La conclusion que peuvent en tirer les prestataires de traitement est que le fait d'améliorer le bien-être subjectif des délinquants sexuels est peu susceptible de réduire le taux de récidive (Hanson et coll., 1993a).

Un grand nombre des variables permettant de prévoir la récidive chez les délinquants non sexuels étaient aussi prédictives de la récidive non sexuelle avec violence (Andrews et Bonta, 1994; Champion, 1994; Gottfredson et Tonry, 1987) chez les délinquants sexuels. Les récidivistes qui commettaient des infractions non sexuelles avec violence tendaient à être jeunes et célibataires, à présenter une personnalité antisociale (psychopathie), à appartenir à un groupe racial minoritaire et à avoir des antécédents de délinquance juvénile et d'infractions avec violence. Il existe également des différences marquées quant aux taux de récidive non sexuelle avec violence selon les antécédents d'infractions de nature sexuelle. En effet, les taux de récidive étaient beaucoup plus élevés pour les violeurs que pour les agresseurs d'enfants et les délinquants coupables d'inceste. Ces différences ne sont pas étonnantes étant donné que les violeurs tendent à avoir plus de caractéristiques en commun avec les populations criminelles générales que les agresseurs d'enfants (Baxter, Marshall, Barbaree, Davidson et Malcolm, 1984; West, 1983). Il est intéressant de noter l'absence de relation entre la récidive non sexuelle avec violence et le nombre d'infractions sexuelles antérieures.

Bien que cette observation soit basée sur un nombre très réduit d'études, on a constaté une relation entre la récidive non sexuelle avec violence et une augmentation des scores obtenus sur l'échelle de la déviance psychopathique (Pd) du MMPI et un faible score sur l'échelle de l'introversion sociale du MMPI. Ces constatations concordent avec les recherches antérieures qui ont révélé que les délinquants violents étaient des individus impulsifs et extravertis, qui n'étaient pas très liés par les conventions sociales (Blackburn, 1989; J. R. Graham, 1990; Hare, Forth et Strachan, 1992).

Les prédicteurs de la récidive en général ressemblaient aux prédicteurs de la récidive non sexuelle avec violence. On a constaté une relation entre la récidive en général et des antécédents de délinquance juvénile, des infractions antérieures de toutes sortes, une personnalité antisociale, l'état matrimonial (célibataire), le fait d'être jeune et l'origine raciale. Toutefois, de toutes les variables des antécédents d'infractions sexuelles, la seule à être liée de façon fiable à la récidive en général était l'inceste : les délinquants auteurs d'actes incestueux présentaient un risque inférieur.

La présente méta-analyse a permis de constater une relation entre la récidive en général et un certain nombre de facteurs de risque dynamiques ou de besoins criminogènes (par ex., Bonta, 1996). Les délinquants risquaient davantage de récidiver en général s'ils avaient actuellement un problème d'alcool ou s'ils étaient sous l'emprise d'une substance intoxicante au moment où ils avaient commis leur infraction. De même, ceux qui niaient leurs infractions ou qui manquaient de motivation à l'égard d'un traitement présentaient plus de risque de récidive en général que les autres délinquants.

L'analyse a aussi révélé que les prédicteurs de risque variaient selon les sortes de récidive. En général, la récidive sexuelle était liée à une déviance sexuelle et, à un moindre degré, à des facteurs criminologiques généraux (âge, état matrimonial, nombre total d'infractions antérieures). Par contre, les prédicteurs de la récidive en général et de la récidive non sexuelle avec violence ressemblaient aux prédicteurs de la récidive en général chez les délinquants autres que les délinquants sexuels - par ex., âge, état matrimonial, délinquance juvénile, personnalité antisociale(Champion, 1994; Gottfredson et Tonry, 1987).

Comme l'ont révélé les analyses antérieures (Furby et coll., 1989; Hall, 1990; Quinsey, Lalumière et coll., 1995), presque tous les prédicteurs de la récidive sexuelle consistaient en des variables historiques ou extrêmement stables. Il est impossible de remédier aux facteurs historiques, et il est difficile de modifier des préférences sexuelles déviantes (Rice, Quinsey et Harris, 1991) ou encore une personnalité antisociale/psychopathie (Hare et coll., 1992). Le facteur de risque le plus susceptible de changer (dynamique) était la motivation à l'égard d'un traitement. Les délinquants qui avaient refusé de suivre un programme de traitement présentaient davantage de risque, mais ils pourraient réduire leur niveau de risque en apprenant à coopérer pour suivre un tel programme.

Il se peut qu'on ait de la difficulté à cerner les facteurs de risque dynamiques à cause de la conception même des études sur la récidive. Étant donné que le taux de récidive sexuelle est faible (13 % au cours d'une période de quatre à cinq ans), les études sur la récidive doivent porter sur de longues périodes de suivi. Or dans une étude de suivi, seuls les facteurs qui demeurent stables pendant un certain nombre d'années peuvent servir à prévoir la récidive sexuelle. Il est beaucoup plus facile de cerner les prédicteurs dynamiques de la récidive en général étant donné qu'il s'écoule relativement peu de temps (souvent quelques mois) entre la période d'évaluation et la détection d'une nouvelle infraction.

Les facteurs de risque dynamiques doivent être évalués peu après la perpétration d'une nouvelle infraction. Les cliniciens spécialisés dans la prévention des rechutes recommandent par exemple d'examiner les dossiers cliniques des délinquants pour cerner les facteurs qui sont intervenus immédiatement avant la nouvelle infraction (Pithers, Beal, Armstrong et Petty, 1989). Il est intéressant de noter que dans leur analyse des dossiers cliniques, Pithers, Kashima, Cumming, Beal et Buell (1988) ont relevé des facteurs de risque sensiblement différents de ceux que nous avons cernés dans notre propre méta-analyse. En se basant sur leur codage de dossiers cliniques, Pithers et ses collaborateurs (1988) ont déterminé que la colère, un manque d'estime de soi et un manque d'empathie à l'égard de la victime étaient des précurseurs courant de la récidive, tandis que notre méta-analyse ne nous a pas permis de déceler une relation significative entre l'un quelconque de ces facteurs et la récidive. Il se peut que ces résultats contradictoires soient dus en partie au fait que Pithers et ses collaborateurs (1988) ont étudié des périodes courtes (jours, semaines), alors que notre méta-analyse a porté sur de longues périodes (années). Il est toutefois difficile d'interpréter leurs résultats en l'absence d'un groupe témoin composé de délinquants n'ayant pas récidivé. Tous les délinquants sexuels peuvent à l'occasion manquer d'estime de soi (comme la plupart des gens), mais un manque d'estime de soi n'est pas nécessairement lié à la récidive.

Pour cerner les facteurs de risque dynamiques, il faut disposer de preuves que l'évolution de certaines caractéristiques est liée à l'évolution du risque de récidive. McKibben, Proulx et Lusignan (1994) ont par exemple effectué une évaluation répétée des conflits, de l'humeur négative et des fantasmes sexuels déviants chez des délinquants sexuels hospitalisés. Ils ont constaté que, lorsqu'ils étaient bouleversés, les délinquants sexuels étaient plus susceptibles de signaler des fantasmes sexuels déviants. Ces corrélations significatives pour un même sujet contrastent avec les corrélations non significatives entre sujets constatées entre l'humeur et la récidive pour la même population (Proulx et coll., 1995). Le degré de détresse chez les délinquants sexuels ne permet pas de prévoir la récidive, mais il semble que ces derniers réagissent de façon déviante lorsqu'ils sont en état de détresse.

Bien qu'il ait pu être difficile de cerner des facteurs de risque dynamiques à cause d'un manque d'évaluations répétées, la difficulté peut aussi avoir tenu en partie à l'utilisation de mesures insatisfaisantes. Dans beaucoup d'études, les méthodes d'évaluation des facteurs de risque n'étaient même pas décrites. Il y a deux principales manières d'améliorer l'évaluation des facteurs de risque dynamiques. La première consiste à élaborer de meilleures mesures de constructs qui sont déjà appuyés théoriquement sinon empiriquement. On pourrait par exemple améliorer les mesures de l'empathie à l'égard des victimes (Hanson et Scott, 1995; Malamuth et Brown, 1994) et des attitudes sexuelles déviantes (Bumby, 1996; Hanson, Gizzarelli et Scott, 1994). Un autre moyen de cerner les facteurs de risque dynamiques consisterait à examiner les constructs prometteurs qui n'ont pas encore été utilisés dans des études de suivi. Une liste des indicateurs de risque dynamiques éventuels pourrait inclure le recours au sexe comme un mécanisme pour faire face (Cortoni et Marshall, 1995), la fréquentation d'autres délinquants sexuels (Hanson et Scott, sous presse), l'accès à des victimes éventuelles et des besoins insatisfaits d'intimité (Frisbie, 1969; Seidman, Marshall, Hudson et Robertson, 1994).

Tout comme il existe des facteurs de risque dynamiques prometteurs qu'il conviendrait d'examiner dans des études de suivi, de même, il y a un certain nombre de facteurs de risque statiques éventuellement importants que les chercheurs n'ont guère explorés. Peu d'études ont par exemple porté sur les facteurs liés au développement, même s'il existe des preuves que ces facteurs peuvent être d'importants prédicteurs d'infractions sexuelles. Beaucoup de délinquants sexuels disent avoir été attirés dès leur jeune âge par la déviance sexuelle (Abel, Mittelman et Becker, 1985). On a aussi fait abondamment état dans la littérature de relations entre diverses variables intervenant dans l'enfance (par ex., discipline imposée par les parents, désobéissance) et la délinquance juvénile puis la criminalité à l'âge adulte (Andrews et Bonta, 1994; Loeber et Dishion, 1983; Loeber et Stouthamer-Loeber, 1987). En général, les personnes qui adoptent un comportement criminel persistant à l'âge adulte sont passées progressivement de la désobéissance mineure à des troubles de conduite et enfin à la délinquance juvénile (Loeber et Stouthamer-Loeber, 1987). De même, on devrait pouvoir distinguer dans le développement des signes précurseurs de la perpétration habituelle d'infractions sexuelles. Le fait d'interroger les enfants sur leurs fantasmes sexuels déviants pose bien sûr des problèmes moraux, mais l'on pourrait sans doute effectuer des recherches de ce genre dans le contexte du traitement assuré à des groupes à risque élevé (par ex., victimes d'exploitation sexuelle dans l'enfance, adolescents délinquants).

Notre analyse visait à cerner les facteurs permettant de prévoir la récidive chez les délinquants sexuels. Bien qu'elle ait permis de cerner un nombre considérable de facteurs de risque, l'exactitude prédictive de la plupart des variables n'était pas élevée (gamme de 0,10 à 0,20). Cela nous amène logiquement à nous demander dans quelle mesure on peut prévoir la récidive en se basant sur des combinaisons de facteurs. Notre analyse ne nous a pas permis de répondre à cette question directement, étant donné l'impossibilité de déterminer les intercorrélations entre les variables prédictives (les variables ont été mesurées auprès de différents échantillons). Toutefois, étant donné que l'ordre de grandeur des corrélations pour les meilleurs prédicteurs se situait dans la gamme 0,20-0,30, les combinaisons de variables cernées dans notre méta-analyse pourraient sans doute nous permettre de prévoir la récidive sexuelle en obtenant des corrélations dans la gamme 0,30 à 0,40. Les corrélations de cet ordre sont parfois considérées comme mineures étant donné qu'elles « n'expliquent » que 10 % à 15 % de la variance; toutefois, les échelles de prédicteurs pour lesquelles la corrélation avec la récidive se situe autour de 0,35 permettent de distinguer les groupes à risque élevé, qui risquent dans plus de 80 % des cas de récidiver, des groupes à faible risque, dont le risque de récidive est inférieur à 20 % (Hanson et coll., 1992; Quinsey, Rice et coll., 1995). Ces échelles de prévision du risque seraient très utiles dans des contextes appliqués et elles représentent une amélioration indéniable par rapport aux méthodes classiques d'évaluation du risque clinique. On pourrait vraisemblablement améliorer encore plus l'exactitude prédictive si l'on comprenait mieux et si l'on pouvait mesurer plus exactement les facteurs de risque statiques et dynamiques chez les délinquants sexuels.

 

Note des auteurs

Nous tenons à remercier Margaret Alexander, Lita Furby, Gordon Hall, Roxanne Lieb, Robert Freeman-Longo, Robert Prentky, Mark Weinrott et Sharon Williams de nous avoir aidés à trouver les articles inclus dans cette analyse. Nous sommes reconnaissants envers Jim Bonta, Bill Marshall et Robert McGrath de leurs observations au sujet d'une première version du présent document. Nous remercions également Jean Proulx, John Reddon et David Thornton de nous avoir donné accès à leurs ensembles de données originaux.

Les vues exprimées dans ce document n'engagent que les auteurs et ne traduisent pas nécessairement celles du ministère du Solliciteur général du Canada. Prière d'envoyer toute correspondance au sujet de ce rapport à R. Karl Hanson, Recherche correctionnelle, Ministère du Solliciteur général du Canada, 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) Canada, K1A 0P8; courrier électronique: hansonk@sgc.gc.ca.